Mois : novembre 2021

« Le tissu africain est-il politique dans les sociétés africaines ? »


Coup de cœur AKAA 2021


C’est sous le thème de la « résilience » que débute la sixième édition de la Foire AKAA
2021 [Also Known As Africa]. Résilience d’un monde encore bien fragile face à un
virus. Résilience d’un monde de l’art qui a souffert un an de quasi-non-activité.
Résilience d’une galerie, Galerie Carole Kvasnevski, et de sa propriétaire du même
nom par le choix des artistes exposé•es-x. Trois artistes, Angèle Etoundi Essamba,
Lindokuhle Khumalo et Justin Ebanda, qui disent NON ! à leur manière, selon leur
esthétique et selon leur histoire personnelle. En parallèle de AKAA, Angèle Etoundi
Essamba
et Justin Ebanda ainsi que Mireille Asia Nyembo exposent à la galerie
Carole Kvasnevski sous le titre fortement symbolique d’EmPReINTe(s) jusqu’au 16
décembre 2021.

« L’exposition porte sur l’interrogation, la déconstruction et
l’appropriation des récits historiques dominants [,- l’histoire du wax]. Comment dans l’imaginaire de certains peuples on a pu leur faire accepter l’inacceptable.

Elle questionne « l’approche corrective », visant à redéfinir et à rétablir les tissus fabriqués par nous dans nos sociétés africaines.

De plus, le tissu africain est-il politique dans les sociétés africaines ? »

(Pascale Obolo, curatrice)


Mon shout-out revient au travail de la photographe camerounaise, Angèle Etoundi
Essamba
, pour son acte subtil, presque silencieux – pour un public parisien et
international pour une grande majorité blanc – mais si criant dans les détails.
Retourner le regard. Détourner l’histoire. S’approprier le fait de se représenter.
Représenter des femmes noires sous l’angle référentiel du portrait flamand et ses
collerettes [ici, en wax]. Le passé et le présent se mêlent s’entremêlent pour ne faire
qu’un, « un destructuré ». Représenter une bourgeoisie-autre, s’éloignant de
l’imaginaire que l’on s’en fait. Une bourgeoisie qui se veut critique du regardeur, du
système colonial passé/présent, d’un tissu qui domine le continent Africain et
invisibilise, pour ne pas dire fait mourir, ses tissus traditionnels.
Une résilience qui se veut « tisser une nouvelle histoire » au cœur d’un Paris [intra-
muros] réunissant le monde de l’art contemporain et où l’humain et l’échange
deviennent le centre et le point de départ de tout – au travers du regard
photographique d’Angèle Etoundi Essamba.

L'exposition EmPReINTe(s) co-curatée par Pascale Obolo et Carole Kvasnevski dure jusqu'au 
16 décembre 2021.

La Galerie Carole Kvasnevski, fondée en 2010 par Carole Onambélé Kvasnevski –
galeriste d’art et commissaire d’exposition indépendante. La galerie met en avant des
artistes du continent africain ainsi que de sa/ses diaspora(s) avec pour objectif de
proposer une approche déconstruite de l’espace galerie se voulant plus fluide, tourné
vers l’humain et où toustes-x visiteureuses-x retiennent de leur visite, l’expérience
intime de l’art.

Galerie Carole Kvasnevski

39 rue Dautancourt, 75017, Paris
https://www.galeriecarolekvasnevski.com/

AKAA – Art & Design fair |12 – 14 novembre 2021, Paris

David Démétrius/ critique d’art

Performer dans les rues de Saint-Denis

19 juillet 2021

C’est sous un soleil désespérément-recherché depuis le début de l’été parisien, que s’introduit l’après-midi du dimanche 18 juillet 2021. Ambiance contraigno-propice pour la performance qui allait suivre [comme j’allais en être témoin plus tard] …

Arrivé un peu avant 15h, quelle fut ma joie d’avoir la possibilité d’entrée-visuellement dans les préparatifs de l’artiste Jelili Atiku. Tout en respectant la distance que je m’impose lors d’une performance, dans ce cas précis, se résumant à rester sur le trottoir opposé au portail d’entrée du Musée d’Art et d’Histoire Paul Éluard de Saint-Denis, prenant en compte deux facteurs précis : celui d’observer l’apprêtement performatif et la ré-ception/action extérieure.

Voici

Le grand escalier du musée
Sur lequel
En son centre
Se trouve stoïquement
Une femme
De bois De petite taille

[ ou de grande taille
comme le signalera les autres

Femmes]

Exclu•es-x ou Non-initié•es-x
Aux préparatifs
De ce qui allait suivre
Ce qui semble être les Autres
Regardent S’arrêtent Scrutent S’interrogent
« Du body-painting ?! » s’exclamera une jeune femme à son amie

Non !
Ou alors Oui !

Mais non de ce que l’Occident l’entend
B.o.d.y.-P.a.i.n.t.i.n.g

Le rapprochement plutôt familier mais non-juste ici de ce que
J’aurai appelé le Mas dans un contexte carnavalesque guadeloupéen

Ce rite d’incarnation
Devenir pour être
Entité
Être pour perdre
Toute humanité

Quant aux invité•es-x
Cel•x aux aguets, averti•es-x
Rentrent Passent Franchissent S’attablent
À l’intérieur

C’est un peu le même problème partout ! Le vaste territoire de la Seine-[Saint-
Denis, précisément] d’avoir en son sein pléthore d’institutions ou d’espaces

culturels sans que les habitant•es-x ne se sentent happé•es-x de la même
euphorie que « cel•x-qui-s’incrustent ». Sans vouloir rejouer une nouvelle fois la
carte du fameux « Nous et les Autres » si cher à l’anthropologie, mais ne pouvant
qu’être réaliste d’une réalité se rejouant en écho du passé.

Jelili Atiku
Maintenant
Entité-performative
S’enveloppe

D’une cape plastique transparente

Et

Se recouvre au scotch
Le visage des femmes
[celles supposées plus tôt]
Au nombre de quatre [coins du monde]

Placées au
Nord Sud Est Ouest
De sa tête

À plusieurs reprises surgit la figure féminine, que ce soit dans ce texte ou dans
la performance. Ìyáláàyá, du yoruba signifie la grand-mère, la matriarche, la
mère Suprême. Celle aux petits soins à chaque jour de la vie. Celle prodiguant
guérison, soins. Celle me surplombant dans l’escalier. Celle de qui part ce tracé
de craie, exécuté par la main – plus tard le pied de Jelili Atiku. Celle portée de
point en point, de pause en pause performative. Celle de qui une aura
concentrique se dessine sur le sol. Ici autour d’une étoile. Là-bas réparant les
maux de ce monde. Rwanda. Discrimination. Dont Cross Border. Mots-œuvres
de Barthélémy Toguo collés au sol. Celle dans les bras de Jelili Atiku. Celle
guidant son monde [éphémère, de l’instant performatif]. Celle délivrant la
Sophie de Mary Sibande remarquée furtivement au loin d’une rue. Celle
culminant Jelili Atiku quand il s’écroula de fatigue ? de soif ? d’asphyxie ? de
raisons multiples qui seront ou non déchiffrables ? Celle qui conclut au centre
de la chapelle ce moment par un Bonjour – Au revoir – Je serais toujours là pour
vous, pour toi…


Merci à nos [grands-]mères, sœurs, tantes, filles d’être la BONTÉ incarnée de
ce monde.

David Démétrius