Dans ce monde que l’économie a rendu unilatéral, nombreuses sont les pratiques artistiques qui tentent d’expérimenter de nouvelles formes de partage entre l’ici-bas et l’au-delà. Ces pratiques interrogent les savoirs, les rites, les héritages ancestraux, jusqu’aux possibilités thérapeutiques de l’art.
Lors du projet artistique « L’Entre-Deux Monde » proposé à La Colonie dans le cadre de la Nuit des idées en décembre 2017, le collectif Afrikadaa et les artistes invités, ont examiné le pouvoir de guérir par l’art en questionnant des pratiques artistiques émanant de la tradition, des rites et leurs ré-interprétations ou ré-appropriations dans la création contemporaine.
Dans ce numéro, la revue veut porter une attention à ces pratiques créatives afin de saisir ce qu’elles nous apprennent face aux mutations contemporaines du monde. Ces pratiques artistiques semblent nous inviter à un élargissement de notre vision sur le devenir de ce monde tout en participant à un certain décentrement du regard, qui libère notre capacité imaginative à faire monde commun. Par là, elles proposent l’établissement de nouvelles humanités qui seront peut-être plus hospitalières et attentives à la marche du monde. Ces manifestations ouvrent, à elles seules, un entre-deux monde, c’est-à-dire une nouvelle cartographie artistique, un espace d’expérimentation initiatique et collective, porteur d’une poétique de la relation, de l’immatérialité et du geste. L’Entre-Deux Monde s’entend ainsi, à l’occasion de ce prochain numéro, comme un espace fictionnel, où la revue se pense comme un corps, qui accueille des fragments d’expérimentation, de tâtonnements, de questionnements et de tremblements. Ainsi en véritable catalyseurs de changement, les artistes contemporains lèvent le voile sur nos traumatismes, les uns après les autres, et les exorcisent via leurs travaux artistiques.
Pour ce numéro la revue se construit comme un espace de réparation où cohabitent des récits conflictuels, où se confrontent diverses pratiques artistiques non-institutionnelles pour certaines. La tradition et la modernité se repensent et se retrouvent dans cet espace-temps de l’Entre-Deux Monde que seuls les initiés peuvent éclairer. La revue devient un lieu thérapeutique et initiatique dans une recherche prospective et constructive. La connaissance de l’ailleurs réconcilie les espaces colonisés, les récits et les blessures invisibles, les traumas. L’Entre-Deux Monde dans ce numéro est aussi vu comme un espace de pacification où la poésie vient se confronter à d’autres récits provocants ou contraignants. La guérison nécessite parfois une arme, le feu, le scalpel, la révolution. Guérir par la douceur ou par la douleur ? C’est une question aussi bien politique que médicale, métaphysique ou artistique. On charcute ou on répare, le poison ou le médicament. Le soin comporte dans son extrême une forme de sabotage comme l’arme des principes vertueux.
L’univers de cet entre-deux monde est un champ d’expérimentation riche, car c’est le seul espace qui n’a pas été pollué, ni colonisé. Difficile d’accès, on n’y rentre que si l’on a été initié. Faire appel de nouveau à nos traditions, les remettre au centre de nos réflexions, longtemps banni du champs intellectuel, longtemps décrédibilisé, longtemps rejeté ; aujourd’hui elles soignent les corps malades des institutions de la culture. Face aux urgences sociétales tels que le populisme, l’extrémisme, et le racisme… ces pratiques minoritaires longtemps désavouées jouent un rôle réparateur dans nos sociétés contemporaines.
Pour ce voyage dans l’espace de L’entre-deux Monde, à travers diverses pratiques artistiques, la revue Afrikadaa invite des artistes, chercheurs, curateurs, commissaires d’exposition, philosophes, écrivains, historiens, musiciens, activistes à participer à ces interrogations sur notre commun, en activant d’autres potentialités de notre présent et en redéfinissant nos possibles. L’art comme outil de guérison et d’émancipation.
ENGLISH VERSION
In response to a world that the economy has rendered unilaterally, we witness the emergence of many artistic practices that attempt to re-establish communication and exchange between here and beyond. These practices consult tools, insights, rites of ancestral heritage, and aim at renewing and extending the therapeutic possibilities of art.
During the In Between World art project at La Colonie during the Night of Ideas, December 2017; the Afrikadaa collective and its invited artists, examined the healing power of art by exploring the artistic practices inherited from diaspora tradition. Unpacking these rituals and their reinterpretations – if not re-appropriation – in contemporary creation.
In the current volume, the Afrikadaa review aims to bring attention to these creative practices in order to better understand what they teach us in face of relentless mutation of our contemporary world. These artistic practices seem to invite us to decentralized. For this reason liberating our imaginative capacity to conceive a common existence. In such manner, they propose a new humanity that might prove more hospitable and attentive to the organic release of history.
In and of themselves, these manifestations open an In Between World, a new artistic cartography. An initiated collective space of experimentation, bearer of relationship’s poetics, immateriality and gestures. In Between World therefore expresses itself through the event of this coming volume as a fictional space, where the review considers itself as a body, receiving fragments of exploration, hesitations and questions – like a trembling body. It is therefore a catalyzer of change, where contemporary artists lift the veil that obscures our trauma, and one after the other exorcises a dilemma via artistic works.
This review’s issue will be constructed as a space of reparation, where conflicting narratives will cohabit and where divers of non institutional artistic practices will confront each other. Here, tradition and modernity rethink themselves and these attributes find a space in a time of In Between World that only initiates illumination can illuminate. The review becomes a therapeutic space of initiation, offering prospective and constructive research. Intimate knowledge of the world and beyond reconciles the colonialized space. It cares for its broken narratives, its invisible wounds and its traumas. The In Between World is also seen, in this issue of the review, as a space of pacification, where poetry is challenged by other voices, both provocative and constraining. Healing sometimes demands a weapon – fire, a scalpel, a revolution. To heal through pain or through comfort ? It is a question that is at the crossroads of political, medical, metaphysical and artistic discourses. Either cut or sowed, either consumed poison or medicine; healing, in its most extreme carries a form of sabotage whose very weapon is its principal virtue.
The universe of the In Between World is the last free field of experimentation, of true riches, for its the only space that remains unpolluted, uncolonized. It is difficult to access, and one can only enter through initiation. Appealing eternally to our traditions, in order to reposition them at the center of our thought and discourse, long banished to the intellectual periphery, discredited, yet capable of providing care for the sick bodies of modern cultural institutions, today. Confronting societies’ crises – its populisms, extremism, ever rising racism… The nurturing practices of the minority have long been rejected but now may play a key role in repairing fractured contemporary societies.
This voyage into the In Between World is achieved through various artistic disciples, and the Afrikadaa review invites artists, researchers, curators, scholars, philosophers, writers, historians, musicians and activists to participate in interrogating our common being, activating other potentialities and redefining the possible. Thus allowing art to reveal itself a tool for healing and for emancipation.
par Pascale Obolo
Contributeurs : Jay One Ramier, Michelange Quay, Sorana Munsya, Anna Tjé, Eden Planelle, Chris Cyrille, Miguel Marajo, Grace Ndiritu, Miki Nitadori, Anne-Sylvie Salzman, Claude Leblanc, Marc Jonhson, Cheryl Ann Bolden, OLivier Gbezera, Nadir Khanfour, Jacques Pautard, Myriam Mihindou, Kader Attia, Lina Vincent Sunish, Anna Bloom, Davide Napoli, Anouch Adjarian, Maïté Chénière, Paul-Aimé William, Rahma Benhamou El Madani, Lomani Mondonga, Violaine Le Fur, Salia Malé, Dany Leriche, Patrick Grenier, Alexandre Taalba, Ndoho Ange, Hadrien le vapeur, Junior Bon bagay, Jason Gardner, Henri Abraham Univers, Nadia Valentine, Fabiana Ex-Souza, Hortense Assaga, S. R. Kovo N’Sondé, Pascale Obolo, Youna Ouali.
Spécifications :
Titre : AFRIKADAA 12 – « L’ENTRE-DEUX MONDE, L’ART COMME ARME DE GUÉRISON »
Taille : 21 cm (L) x 29.7cm (H)
Pages : 168
Pour plus d’informations : contact@africanartbookfair.com
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