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AFRIKADAA MIXTAPE

par le collectif AFRIKADAA (18 Février 2022 à 11:37)

crédit : Jay Ramier

Nous vous proposons de relire ensemble le numéro #14 « Les révoltes silencieuses » de la revue d’art AFRIKADAA en participant à une expérience collective. À travers un paysage sonore sur les révoltes, les invité.e.s d’AFRIKADAA vont revisiter, poétiquement et politiquement, les questionnements issus de ce numéro à la manière d’une jam session collective à coups de lectures, de sessions musicales et de performances. « N’y-a-t-il pas dans les rythmes de tambours des notes silencieuses, auxquelles seuls les initiés répondent » — Jay One Ramier. Notre monde, nos espaces de marronnage-croisés sont remplis de messages sonores à explorer. Les récits et les sons dissimulés dans l’environnement, nous incitent à mieux écouter et à entendre le monde qui, trop souvent, à travers des regards masqués tempête de mécontentements silencés. 

Ce deuxième acte éditorial live du numéro d’AFRIKADAA portant sur les révoltes silencieuses est pensé comme un voyage sonore. Sonorités discordantes ou accordantes, l’art sonore est souvent un art de l’affect. En portant un intérêt sur l’écriture visuelle et rythmique comme espace de résistance, il s’agit d’ouvrir un champ élargi ou sont convoqués l’expérience des lieux, les parcours et les dérives physiques, les récits et les narrations sonores et corporelles à travers l’exploration des mémoires. Cet événement sera l’occasion de partager des énergies, vivre des émotions, imaginer des fictions, penser les utopies de la révolte afin de revisiter des histoires passées, présentes ou futures en présence des artistes  tel que : Jay One Ramier (peintre), Roger Raspail (musicien), Celia Faussart (chanteuse), Miguel Marajo (artiste-peintre), Nadia Valentine (artiste-peintre), Yann Cléry (musicien-poète), Kane Wung (danseur), David Démétrius (critique d’art), Paul-Aimé William (chercheur), Mo Laudi (plasticien-DJ), Flavien Louh (critique d’art), Dominique Pouzol (plasticien), Pascale Obolo (curatrice), Rocé (artiste).

Devoir de souffler, nous ne serons pas une génération écrasée. Le quatorzième numéro de la revue d’art AFRIKADAA propose une réflexion sur les révoltes silencieuses dans les Antilles-Guyane et l’Océan Indien, sur les relations entre art et militantisme. À quelles violences aveugles donnent-elles lieu ? Les militant.e.s, les artistes et les chercheur.euse.s nous apportent leurs réponses guerrières aussi diverses que les mêlées art-militants sont directes et complexes. Les militant.e.s antillo-guyanais.e.s, réunionais-es et mahorais-es sont-elles les nouveaux.elles artistes du 24ème siècle ? L’art prophétise les actions militantes. Les militantes « donnent voix » aux artistes du futur, car nul n’est prophète en son propre présent. 

Programme élaboré par la curatrice Pascale Obolo :

Performance de danse :
 Kane Wung / danseur (5 min)

– Intro : lecture performative du collectif AFRIKADAA (10 min)
– Talk : présentation du numéro sur les révoltes silencieuses
Avec : Pascale Obolo (curatrice/rédactrice en chef de la revue AFRIKADAA), David Démétrius (critique d’art), Paul-Aimé William (chercheur), Miguel Marajo (artiste peintre), Nadia Valentine (artiste peintre), Flavien Louh (critique d’art).

Performance méditative : Monstre-incarnation de l’Autre, Dominique Pouzol / plasticien (10min)

Perfomance musicale : Yann Cléry (20 min)

Talk : pensée les musiques noires comme espace de résistance avec les artistes Jay One Ramier, Roger Raspail, Célia Faussart (Nubians), Mo Laudi, Rocé.

Performance musicale : Rocé 

Lieu :
LA FAB. / Librairie agnès.b 

Place Jean-Michel Basquiat
75013 Paris, France


Horaire : 17H00-19H30

LES RÉVOLTES SILENCIEUSES

par Miguel Marajo dans le cadre du numéro Révoltes silencieuses d’AFRIKADAA magazine.

crédit : AFRIKADAA

Machine aveugle ! Depuis longtemps ils ne pleurent plus, ou tout au moins, ils sont de plus en plus rares à se lamenter. Ils savent que leurs lamentations sont comprises dans le processus même et délibérément, cela depuis le début. 

En un galimatias hermétique, tes rouages sophistiqués surplombent, se complexifient en s’opacifiant, se hissant hors d’atteinte, pour resserrer leur étreinte prédatrice par des entraves obscures sur ceux qui n’ont pas les codes et ne peuvent s’accorder. 

Ils sont tenus en respect et s’abreuvent à une source unilatérale qui s’ajuste au fur et à mesure qu’ils avancent. Cependant, ils ne sont pas dupe. À l’heure de la société numérique, à contre-courant des flots de fake news, cette manipulation, qui remonte à un temps infiniment lointain, tend à se résorber. Alors que d’autres, dans une fuite en avant, cherchent à se voiler la face. Ils porteraient bien un coup s’ils étaient acculés. Conscients qu’ils n’y mettraient pas plus d’animosité 
que leurs adversaires, car ils tomberaient dans le même sac en cautionnant cette violence et, par là-même, en entraînant une réplique à l’infini.

Une longue expérience des turbulences de la mer ainsi que des turpitudes de la vie leur ont enseigné qu’il vaudrait mieux ne pas résister à un puissant courant mais aller dans son sens puis, dévier progressivement de sa trajectoire, pour enfin s’en extirper. 

Non ce n’est pas la fin du monde, mais dans l’inéluctable déviation, un changement de conscience, donc déjà le début d’un autre monde.

“Entre les plis des feuilles vertes” 

“Entre les plis des feuilles vertes”
© Miguel Marajo 2018, huile sur toile, ht116 x la81 cm

L’incident n’est pas si loin, il se prolonge, tel une onde après un jet de caillou dans l’eau, par un remous des langues. Les propos tels que “dernière race après le crapaud”, s’expriment sans complexe en se grimant du masque de l’humour. 

Ici, comme une revanche, le crapaud prend figure féminine, les lèvres légèrement entrouvertes, les paupières détendues à peine tombantes sur des yeux langoureux qui s’offrent en délice.

Voilà que ce crapaud se change en une charmante créature qui surgit entre deux feuilles vertes, en un contraste suave sur un fond rose, purée de framboise ? Rouge à lèvre ? Vernis à ongle ? Rose pour les filles. 

Les feuilles qu’elle porte en guise de coiffe, dont le style baroque est emprunté à une rampe de l’escalier du Petit Palais à Paris, évoquent le naturel, et recouvrent ses cheveux bleus. Comme un bleu ?

Au niveau du cou, tel un carcan, on peut lire un extrait de notice de défrisage qui perd son sens car un mot ambigu s’y est glissé : le mot “délice” a pris la place du mot “hélice” comme pour tourner en dérision ces substances chimiques alcalines. 
Ces produits sont tout sauf tendres avec notre charmante grenouille mais destinés à faire d’elle l’ersatz, aussi divine soit elle, d’une autre créature.

Le jargon technique de la notice, nous explique comment rompre les chaînes structurelles du cheveu crépu, génétiquement programmé pour l’être, afin de le dénaturer pour qu’il soit lisse, et ne nous dit pas comment briser ces chaînes mentales de l’aliénation.

“La dévolue” 

“La dévolue”
© Miguel Marajo 2020. Huile sur toile, ht116 x la 81 cm

Par un enchaînement rapide, nous nous sommes retrouvés repliés dans nos espaces de vie respectifs. Et, nous nous sommes vus boucler, friser pour certains, crêper pour d’autres, blanchir, en l’absence de coiffeurs, empêchés par ce confinement intempestif.

Sur ma toile à ce moment-là, tout naturellement, s’est présenté à moi un visage féminin tourné dans ma direction, me fixant droit dans les yeux, venant d’un espace qui télescopait le réel. Cette femme devenait l’incarnation d’un phénomène qui m’habite de longue date. Cela correspondait, ne serait-ce que par le thème du naturel à l’incontournable question qui habite bon nombre d’entre nous. 

Comme pour riposter aux injonctions esthétiques, celle que j’ai nommée “La dévolue” tente de se défaire du carcan qu’elle a au niveau du cou. Mais comment ? 

C’est par une farce faite aux mots de la notice de défrisage, dont le sens annoncé est en faveur du soin mais recèle des produits alcalins. Avec poésie, elle vient désamorcer le contenu du mode d’emploi du produit par un mélange aigre-doux mêlant à la fois du fer à lisser et de la dévolue.

Sa chevelure irradie de l’intérieur, telle une balise qui se doit d’être visible pour attirer notre attention, pour signaler quelque chose de particulier. Particularisme ? Communautarisme ? Repli communautaire ? 

Son afro est surmonté d’une coiffe dont les motifs et la forme sont, pour elle aussi, empruntés à une rampe d’escalier du Petit Palais à Paris. Ces formes végétales naturelles apparaissent ici sans connotations révolutionnaires, car elles ont été soustraites à la nature sauvage, codifées par l’homme sous forme d’ornementation baroque. 

La nature se manifeste pourtant partout de façon sous-jacente, dans une gestuelle courbe qui rythme la totalité de la toile, l’envahissant finement jusqu’aux vêtements, dans un mouvement complexe qui semble encore vivre sous la danse que le geste lui a imprimé.

En somme, cette débauche de lignes, en circonvolutions, est, à travers le signe vivant, le mimétisme du cheveu et fait écho à son caractère naturel, libre, qui, comme la nature, reprend ses droits.

“Régime subanana” 

“Régime subanana”
© Miguel Marajo 2018, fusain sur papier, h150 x la120 cm

Dans un élan ascendant, qui correspond à une courbe de croissance, emporté par une ronde joyeuse, un manège fait de bananes, comme un gros squelette, une cage thoracique, une énorme carcasse préhistorique ou plutôt une mâchoire qui se resserre sur des personnages semblant pour la plupart, s’amuser.

Inéluctablement, ce manège tourne sur lui-même, transportant comme un éternel recommencement, des biens de consommation, tel ce fruit exotique par excellence, dans une relation tourbillonnante de complexité entre deux mondes. 

Les fruits les emportent par-dessus la Terre ; certains, dans cette agitation ont perdu leurs chaussures. Leurs pieds, partiellement ou complètement dénudés, les rendent plus vulnérables s’ils rentraient en contact avec le sol. Mais cependant, ils sont épargnés et ignorent tout, jusqu’au nom même du chlordécone, puisqu’il s’agit du sol de l’autre.

En guise de dents, voire d’attributs sexuels, ces bananes que certains tiennent avec délicatesse dans leurs mains, frôlent le geste érotique. Ce rapport ambiguë avec la nature ne se limite pas au plaisir d’une consommation partagée, mais à une jouissance onanique, dont les semences restent infertiles, même si elles glissent entre leurs cuisses.

Alors que tous semblent absorbés par cette affaire, un personnage, les deux mains en suspens, nous scrute, nous ramenant à nous même, le sourcil relevé, le regard légèrement tourné dans notre direction.

Nous avons tous envie de nous étourdir pour oublier, tenter d’échapper à la pesanteur des propos tenus sur la gravité de la situation écologique, mais, ce manège nous ramène à l’imposture joyeuse d’une relation aigre-douce.

Nous voilà sur ce dessin, chacun isolé par ces bananes qui nous tiennent en tenaille, alors que déjà, comme des signes avant-coureur, nous nous mettons à friser, à boucler, à crêper, à blanchir en l’absence de coiffeur, empêché par un confinement intempestif.

Ici, la nature se transforme dans les interstices que l’on a bien voulu lui laisser, en contaminant leurs vêtements, en vortex de fumée, en œil cyclonique, en volubilis prometteur d’un renouveau hypothétique et fragile, en masque fantomatique… Bref, ne parlons pas de choses qui fâchent, la nature reprend ses droits !

“Que Laure déconne !”

“Que Laure déconne !”
© Miguel Marajo 2020, fusain sur papier, ht154 x la125 cm

La porte fermée derrière elle, seule dans sa cuisine, autour d’elle la pièce vacille, légère comme un oiseau de bon augure, elle ouvre les bras pour s’envoler et, comme si de rien était, elle éclate de rire. En effet, dans cette manifestation sismique, son réfrigérateur, sa gazinière en effervescence, ainsi que l’ensemble de la pièce, penchent dangereusement. 

Le panier en bois est vide car il n’y a que la banane, toujours la banane, uniquement la banane, une vraie obsession. Une cruche déverse une substance floue, alors qu’un mixeur plongeant arrive à l’opposé pour parfaire l’amalgame. Tous les ingrédients sont présents pour dissiper le mystère et tout particulièrement le titre. Alors, même si ce n’est que la raison qui brûle, “que Laure déconne !”

Et s’il s’agissait de notre point de vue déstabilisé qui fait chavirer la pièce tel un navire ? Si toutefois, on savait ce qui se joue là, sous nos yeux innocents, le tout n’est alors, même si la maison brûle, que chlordécone.

Aujourd’hui, nul ne souhaite une culture de l’effacement. Les mémoires ne se sont jamais interrompues, elles se sont transmises, par une volonté d’assainissement, avec la nécessité de ne surtout pas oublier toutes les résistances auxquelles nous devons beaucoup.

Miguel Marajo, octobre 2020.

Bio : Miguel Marajo est un artiste martiniquais, île dans laquelle il a vécu la plus grande partie de son enfance. S’inspirant de concepts tels que la Négritude ou la Créolité, cet artiste plasticien fut en relation avec Aimé Césaire et assista aux premières conférences d’Edouard Glissant. 

AFRIKADAA 14 – « Les Révoltes Silencieuses »

EDITO

AFRIKADAA N°14

LES REVOLTES SILENCIEUSES

Devoir de souffler, nous ne serons pas une génération écrasée (1). Le quatorzième numéro de la revue d’art AFRIKADAA propose une réflexion sur les révoltes silencieuses dans les Antilles, la misère dans les pays français (2), et les relations entre art et militantisme. À quelles violences aveugles donnent-elles lieu ? Les militants, les artistes et les chercheurs nous apportent leurs réponses guerrières (3) aussi diverses que les mêlées art-militants sont directes et complexes.

Les militant.e.s antillo-guyanais.e.s sont-elles les nouveaux artistes du 24ème siècle? (4) L’art prophétise les actions militantes, les militants « donne voix » aux artistes du futur, car nul n’est prophète en son présent.

Les statues déboulonnées et le mouvement inédit de mondialisation de l’antiracisme ne peuvent nous laisser insensible ou sourd. Depuis nos guides (5) en passant par le poing de l’un des nègres de la Martinique (6), fin 19ème, qui commença à décoloniser, dès son érection, la statue de Joséphine l’impératrice française ; (ou encore récemment les statues de Victor Schoelcher en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane…) Un vent de révoltes s’est lévé aux Antilles avant les États-Unis. Recommençons à nous libérer des espaces coloniaux et raciaux à partir des déboulonnements des esprits de statues (7) démarrés le 22 mai 2020 en Martinique et en 1848 — l’abolition de l’esclavage par les esclavisé.e.s .

L’actualité de l’an 2020 sur fond de crise sanitaire mondiale et de discriminations subies par les communautés noires, nous renvoie sans cesse aux questions liées aux racismes, aux violences faites sur les corps noirs et aux présences de génocides

coloniaux. Envahis par des esprits de statues qui nous étouffent et nous empêchent de souffler (8), de nous émanciper du système colonial occidental, nous avons la volonté de nous faire entendre mais aussi d’être force de proposition et guide de nos propres « destinations » au bord du gouffre colonial et social (9). En effet, le souffle n’est ni devin ou kamikaze, il est marronnes. Le souffle est tout ce vent de marronnages à la dent longue. En résonance avec le mouvement Black Lives Matters né aux États-Unis (qui fait échos aux luttes de toute une jeunesse), il nous semblait urgent d’interroger les révoltes silencieuses des dernières colonies françaises dont le grondement tellurique ne faiblit pas. Bien au contraire !

Il est temps de convoquer nos histoires, d’organiser nos bois, tracées — outils — pour s’émanciper des maîtres de la métropole. Il s’agit de mettre dans une lumière crue l’échec des grandes narrations de la modernité et de renoncer à une forme unique d’historicité.

À quand la valorisation de la biodiversité des connaissances et des savoir-faire locaux ?

L’écologie décoloniale dans les Antilles devrait être, en continu, repenser afin de lutter contre le Laboratoire d’expérimentation sur nous-même (Négrocène) qui nous accapare comme cobayes en raison de la crise sanitaire entre autres opportunités énergivores (10). Néanmoins, le « Négrocène est aussi l’ère de ces résistances silencieuses et souterraines qui parfois grondent en éruption volcanique » (11). Et dont on a de plus en plus de mal à éteindre les brasiers qui s’enflamment dans les territoires ultra-marins.

Dans cette veine sous-marine, des résistances historiques, culturelles et sociales se lèvent ainsi contre les prédations impraticables (droit aux réparations (12), à la terre, et aux cendres à la suite des illusoires fins de l’esclavage, de la traite, des abolitions

et des savoirs militants). Aurons-nous le courage de poser les questions !? celles qui brisent les ruses et stratégies du continuum colonial !? À demain, l’héritage du colonialisme esclavagiste. Comme le soulignait le commissaire Okwui Enwezor (56e édition de la Biennale de Venise) : « … le monde a toujours été créolisé. On ne le voit pas à Berlin ou à Munich, mais il suffit d’aller au Brésil, en Guyane, à Istanbul ou à Kochi pour le constater. L’Occident ne peut s’empêcher de se croire au centre du monde et d’ignorer le reste ».

ll est temps de décoloniser et dé-polluer nos lieux publics! Comment les artistes, les militants, les théoriciens et critiques d’art des Antilles se re/positionnent face aux enjeux de la postcolonialité ? Comment instaurer le dialogue, si les savoirs, les actions militantes et les œuvres restent européano-centrés ou encore, vus du centre ou s’opère une délégitimisation des savoirs issus des minorités suivit d’une occultation de leur actions sur le terrain? Dans le contexte postcolonial, les musées universaux de la métropole ont-ils su développer de nouvelles alliances avec les peuples de la Terre ?

«… On ne peut pas diriger le moment d’avant, pour atteindre le moment d’après. Les certitudes du rationalisme n’opèrent plus, la pensée dialectique a échoué, le pragmatisme ne suffit plus, les vieilles pensées de systèmes ne peuvent comprendre le chaos-monde… Je crois que seules des pensées incertaines de leur puissance, des pensées du tremblement où jouent la peur, l’irrésolu, la crainte, le doute, l’ambiguïté saisissent mieux les bouleversements en cours. » — Édouard Glissant.

Les voix qui s’expriment à travers AFRIKADAA, aujourd’hui viennent combler un manque et un décalage existant entre continuum colonial des discours et pratiques de résistance locales, et montre que continuer de parler de « nous » sans « nous » fait preuve d’une incompréhension globale sur les problématiques discriminatoires et postcoloniales. AFRIKADAA s’impose ainsi comme une roche de résistance vis-à-

vis des pratiques de légitimation du pouvoir. L’écrivain nigérian Chinua Achebe (1930-2013), auteur du roman-culte Le Monde s’effondre, décrit ce qui se passe aujourd’hui dans le monde en ces termes : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, l’histoire de la chasse glorifiera toujours les chasseurs ». Il appelait ainsi les Africains – et les Afro-descendants – à prendre conscience de ce que l’histoire qu’ils enseignent à leurs enfants et qui est écrite par les explorateurs et les colons venus conquérir le continent africain, relèguera toujours l’apport des africains à l’humanité à l’arrière-train de la marche du monde. Aujourd’hui cette nouvelle présence en a assez du règne néo-colonialiste et veut la vérité sur son histoire floué, ligoté !!!

Nous tenterons d’y répondre dans ce nouveau numéro de la revue AFRIKADAA qui rêve librement de transpercer les murs de l’émancipation actuelle pour souffler pleinement puis laisser couler, les soufrières.

(1) « il regardait aussi vers l’avenir : et le présent lui est à jamais interdit », épigraphe, Le Quatrième siècle, Édouard Glissant, « livre à la mémoire d’Albert Béville 1917-1962 ».

(2) Provocation concernant les pays encore sous la colonisation française.

(3) Pour tous mots guerrier-silex, dans Moi, laminaire, d’Aimé Césaire : « Je t’énonce / FANON / le regard des bourreaux guerrier-silex / vomi par la gueule du serpent de la mangrove ».

(4) Voir, les présences des marronnes dans Le Quatrième siècle. « À coté de celles qui aident, se trouvent surtout des femmes qui marronnent pour elles-mêmes et les leurs, qui remettent en cause à la fois l’esclavage et leur domination par les hommes libres et les hommes esclaves. » (cf. Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale, p. 262)

(5) Cela signifie rebelle en créole depuis les années 1980 à nos jours. Cette assertion « guide » en créole fait échouée la dialectique maître et esclave.

(6) Nou pé cé bay zot nou peyi. (sans description / traduction)

(7) Esprits frénétiques qui négrifient, désirent, torturent, assassinent nos « Moi ». (cf. Ils sont venus ce soir, dans Pigments, Léon Gontran Damas)

(8) Le souffle est « tout ce vent qui va pour monter… jusqu’à tes mains, puis ta bouche, les yeux, la tête » (cf., incipit, Le Quatrième siècle, Ed. Glissant). Sans souffle (pneuma & psophein), il n’y a ni respiration ni prophétie (pro-phémi), pas d’adresse à une minorité, à une communauté ou à un collectif. « Le prophétisme est une forme d’intervention intellectuelle et de critique sociale qui donne voix à la dignité des opprimés dans les contextes où elle est ignorée et piétinéé ». (cf. Norman Ajari, La Dignité ou la mort, éthique et politique de la race, p. 189). Le souffle n’est ni devin ou kamikaze, il est marronnes. Le souffle est tout ce vent de marronnages à la dent longue.

(9) « Au fond tout l’effort du prophétisme noir converge vers cette unique destination : susciter la dignité de l’opprimé, réveiller en lui le besoin de se confronter de toutes ses forces aux enjeux de la survie » (cf. Norman Ajari, La Dignité ou la mort, p.196.)

(10) « Les Nègres sont les nombreux hors-monde (humains et non-humains) dont l’énergie vitale est consacrée par la force aux modes de vie et manière d’habiter la Terre d’une minorité tout en se voyant refuser une existence au monde ». (cf. Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale, p. 106.)

(11) Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale, p. 108.

(12) En parlant de la traite et de l’esclavage, « la pensée des réparations est politiquement et moralement impraticable et injustifiable ». (cf. Édouard Glissant, Une nouvelle région du monde, Esthétique I, p. 195

Taye,Tarani Taye, Prudence Tetu, Nadia Valentine, Françoise Vergès, Hugo Vitrani, Paul Aimé William.

Les révoltes silencieuses, ici, prennent des formes multiples et abordent des thématiques différentes :

  • Jean-François Boclé et Jessica Oublié mettent en avant les problématiques sanitaires actuelles, en Guadeloupe et en Martinique, concernant le chlordécone et la toxicité des sols et des corps.
  • Joëlle Ferly et Stéphanie Melyon-Reinette reviennent, en profondeur, sur leur manière de définir l’art contemporain en Guadeloupe de nos jours à partir d’une écriture située ;
  • Étienne et Tarani Taye partent de leur expérience personnelle liée aux violences accompagnant le déracinement de leur île natale qu’est La Réunion ainsi que de la création d’espaces radicaux comme réponse de résistance ;
  • Mayotte, territoire unique, complexe et singulier et étant le dernier département français [101e], est vue à travers différents artistes-auteurices [Anil Abdoulkarim, Darouèche Hilali Bacar, Soidiki Assibatu et Nassuf Djaillani] comme une fresque, une figure qui traverse le temps et l’espace en résonance à une violence coloniale historique ;
  • Cédrick-Isham Calvados et Passil Swamo abordent les violences policières faisant écho au un an de la mort de « Klodo » par les gendarmes coloniaux en Guadeloupe ;
  • Nadia Valentine et ses fortes encres sur papier proposent une déconstruction des imaginaires en rééquilibrant les représentations noires dans l’imaginaire social ;
  • Myriam Omar Awadi, Yohann Quëland de St-Pern, Prudence Têtu, Anne Fontaine, Magalie Grondin et Brandon Gercara proposent différents dialogues artistiques de ce que veut dire marroner à La Réunion ;
  • Françoise Vergès explore les révoltes silencieuses comme un espace de repos et de réflexion dans lequel elle élabore une pédagogie de la transmission et de l’imagination ;
  • Arnaud Elfort, Léna Monnier, Kamun Dawuud et Pierre-Antoine Irasque agitent les lecteurices-x selon des exemples de vandalismes, de déboulonnages et de combats
  • Nègre n’est pas une insulte, nègre est une cage, nègre est un statut tels que le développent Vincent Fontano, Selma Bey, Fatoumata Sakho et Miguel Marajo ;
  • La radicalité poétique noire, forme d’émerveillement, de bien-être comme un outil de réparation et de sublimation de l’être noir•e-x incarnée par Gerty Dambury, Mandresy Randrianarivony, Awoah Lopy, Melvyn Pharaon, David Démétrius, Assya Agbere, Gilbert Georges Guy Gratiant et Amandine Patin ;
  • Nathalie Muchamad et Jean-Pierre « Swan » au travers des paroles de chansons questionnent l’idée d’une identité kanak qui se construit à travers la quête de l’histoire. De plus, le collectif d’artistes autodidacte et indépendant Osso par une « lettre-texte » écrite par l’artiste Jay Ramier militent pour une liberté d’expression totale où arts, sports, et éducation seraient le vecteur d’une révolution dessinée à décoloniser les esprits et les corps en Nouvelle-Calédonie.
  • Chris Cyrille introduit ici le conte Le Crabe et l’Aparahiwa poursuivant autrement son exposition « Mais le monde est une mangrovité ».
  • Le travail de Mirtho Linguet ne s’inscrit pas dans une valorisation d’une couleur noire ou d’une beauté noire mais dans une approche de l’individualité contrecarrant le discours d’une couleur de peau justifiant les situations de dominations et de maltraitances de ces corps.
  • Pascale Obolo et David Démétrius mettent à disposition du public, un texte-archive qui retrace l’une des installations majeures Chimurenga Library : un lieu de refuge et d’activation des luttes noires radicales francophones pensée à partir de la Bibliothèque Chimurenga imaginée/ curatée par le collectif Chimurenga à la BPI.
  • Une sélection de deux espaces mettant en valeur la scène artistique caribéenne et de l’Océan Indien présenté par Rolando J. Carmona et Flavien Louh.

On conclut ce numéro, avec Expogram qui est un nouvel espace-laboratoire virtuel imparfait cartographiant une sélection d’expositions internationales vu à travers des lunettes décoloniales.

EN :

A need for breathing space, and we will not be a crushed generation. The fourteenth issue of the art magazine AFRIKADAA proposes an introspection on the silent rebellions in the West Indies, the misery in the French countries, and the relationship between art and activism. What type of random violence is inflicted here? Activists, artists and researchers bring their warlike responses, which are as diverse as the art-activists melee can be direct and complex.

Are the Antillo-Guyanese activists to be considered as the new artists of the 24th century? Art portends belligerent actions, militants “give voice” to future artists, because no one is a prophet in his own time.

The dismantled statues and the unprecedented global movement of anti-racism cannot leave us indifferent or deaf. From our guides, while going through the punching fist of one of the Negroes of Martinique, at the end of the 19th century, who started a form of decolonization, by destroying the statue of Josephine, the French Empress, as soon as it was erected ; (or even recently the destruction of the statues of Victor Schoelcher in Martinique, Guadeloupe and French Guyana…), the wind of change arose in the West Indies, even before it started in the United States. Let us start again to free ourselves from colonial and racial spaces, by beginning with the dismantling of the spirits of statues which started on May 22, 2020 in Martinique and in 1848 – with the abolition of slavery by the enslaved.

The event of the year 2020, based on the global health crisis together with the social discrimination against the Black Communities, constantly refers to issues related to racism, violence against black bodies and to recurrent colonial genocides. Overwhelmed by the spirits of the statues which suffocate and prevent us from breathing, from emancipating ourselves from the Western colonial system, we do not only have the will to be heard but also to be an opposing force which comes forth with proposals, as well as to be a guide to our own “destinations”, currently found on the edge of the colonial and social abyss. Indeed, the breath is neither a soothsayer nor a kamikaze, it is marooned. The breath is a wind of ambitious maroons altogether. Echoing the movement ‘Black Lives Matter’, which started in the United States (and which resonates with the struggles of the youth), it seemed urgent to question the silent revolts of the last French colonies, whose telluric rumble does not weaken. On the contrary!

It is time to summon our stories, to organize our journey, to assemble our tools, in order to free ourselves from the Metropolitan masters. It is all about bringing to bright light the non-productive feature of the lengthy narratives on modernity and about renouncing to a single form of historicity.

When will the time come for the promotion of the biodiversity of local knowledge and skills?

The de-colonial ecology in the West Indies should be continuously reconsidered, in order to fight against the Laboratory of Experimentations on ourselves (Négrocène), which grabs us as guinea pigs, during this period of health crisis, among other energy-consuming opportunities. Nevertheless, the “Négrocène is also the era of silent and subterranean oppositions, that sometimes roar like a volcanic eruption” (1). And, of which it becomes increasingly difficult to extinguish the blazes that ignite in the ultra-marine territories.

Historical, cultural and social resistance are thus rising against impractical predations (right to reparations, to land, and to the ashes, following the illusory end of slavery, of slave trade, and of abolition). Are we courageous enough to ask the required questions!? Those which break the tricks and strategies of the colonial continuum!? The legacy of slave colonialism, will soon come. As curator Okwui Enwezor (56th edition of the Venice Biennale) underlined: “… the world has always been creolized. It cannot be witnessed in Berlin or Munich, but one only has to travel to Brazil, French Guyana, Istanbul or Kochi and to witness it. The Occident cannot help but to believe itself as the center of the world, while ignoring the rest”.

It is time to decolonize and to make pollution-free our public places! How do artists, activists, theorists and art critics of the West Indies position themselves with respect to the challenges of post-colonialism? How can we achieve a fruitful dialogue, if knowledge, activist actions and artist works remain European-centered or else, are seen from the center? In a postcolonial context, have the Metropolitan universal museums been able to establish new alliances with the different population/tribes of our planet?

“…One cannot lead with the past, in order to reach the future. The certainties of rationalism no longer operate, the dialectical thinking fails, pragmatism is no longer sufficient, the old-fashioned systems cannot understand the world-chaos … I believe that only thoughts which are uncertain of their power, thoughts filled with agitation, which combine fear, irresolution, apprehension, doubt, ambiguity, do understand better the prevailing upheavals” — Édouard Glissant.

AFRIKADAA TEAM

(1) Malcom Ferdinand, Une écologie décoloniale, p. 108. (2) Nou pé cé bay zot nou peyi.
(3) Édouard Glissant, Le Quatrième siècle.
(4) Léon Gontran Damas, Ils sont venus ce soir, in Pigments.
(5) Norman Ajari, La Dignité ou la mort.
(6) Aimé Césaire, Pour tous mots guerrier-silex, in Moi, laminaire.

(7) About the dismantled statues in West indies : « Au royaume du signe, les cailloux sont rois… » Joëlle Ferly (Artist, guadeloupe) & Nathalie Muchamad and « De l’art engagé à l’action citoyenne, lettre à monsieur le président de la république de France » by Joëlle Ferly.

Présentation de la revue AFRIKADAA :

Afrikadaa est une plate-forme, un laboratoire qui intègre la richesse d’une scène artistique émergente dont la production mérite visibilité et réflexion. La revue est un espace curatorial déterritorialisé où artistes et acteurs de la création contemporaine interrogent esthétique et éthique face aux enjeux majeurs de la mondialisation. Parce qu’il est temps de redéfinir les relations entre territoires, idées et mouvements artistiques, AFRIKADAA est une revue qui apporte une autre perspective à la scène artistique contemporaine en racontant l’histoire et les trajectoires des communautés d’artistes au-delà des frontières du marché. Les voix qui s’expriment à travers AFRIKADAA aujourd’hui viennent combler un manque et un décalage existant entre continuum colonial des discours et pratiques de résistance locales, et montre que continuer de parler de  » nous  » sans  » nous  » fait preuve d’une incompréhension globale sur les problématiques postcoloniales. AFRIKADAA s’impose ainsi comme une poche de résistance vis-à-vis des pratiques de légitimation du pouvoir.

Créé en 2013, AFRIKADAA, la revue d’art papier et digitale est gérée par un collectif d’artistes, commissaires, historiens d’art, activistes et étudiants.

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Spécifications :

Titre : AFRIKADAA N°14 / Les Révoltes Silencieuses Edition de 600 exp / Français
Taille : 21 cm (L) x 29.7cm (H)
Pages : 252

N° ISBN : 978-2-9561066-0-9 9782956106609

Prix : 30 euros

Contributeurs : Jay One Ramier, Anil Abdoulkarim, Assya Agbere, Soidiki Assibatu, Myriam Omar Awadi, Selma Bey, Jean-François Boclé, Thierry Cron, Chris Cyrille, Gerty Dambury, Kamun Dawuud, David Démétrius, Nassuf Djailani, Arnaud Elfort, Joëlle Ferly, Anne Fontaine, Brandon Gercara, Magalie Grondin, Darouèche Hilali Bacar, Rolando J. Carmona, Vincent Fontano, Pierre- Antoine Irasque, Cedrick Isham, Awoah Lopy, Flavien Louh,Mirtho Linguet, Miguel Marajo, Stéphanie Melyon-Reinette aka Nèfta Poetry, Lena Monnier, Nathalie Muchamad, Pascale Obolo, Jessica Oublié, Melvyn Pharaon, Yohann Quëland de St Pern, Mandresy Randrianarivony, Fatoumata Sakho, EtienneTaye,Tarani Taye, Prudence Tetu, Nadia Valentine, Françoise Vergès, Hugo Vitrani, Paul Aimé William.

Performer dans les rues de Saint-Denis

19 juillet 2021

C’est sous un soleil désespérément-recherché depuis le début de l’été parisien, que s’introduit l’après-midi du dimanche 18 juillet 2021. Ambiance contraigno-propice pour la performance qui allait suivre [comme j’allais en être témoin plus tard] …

Arrivé un peu avant 15h, quelle fut ma joie d’avoir la possibilité d’entrée-visuellement dans les préparatifs de l’artiste Jelili Atiku. Tout en respectant la distance que je m’impose lors d’une performance, dans ce cas précis, se résumant à rester sur le trottoir opposé au portail d’entrée du Musée d’Art et d’Histoire Paul Éluard de Saint-Denis, prenant en compte deux facteurs précis : celui d’observer l’apprêtement performatif et la ré-ception/action extérieure.

Voici

Le grand escalier du musée
Sur lequel
En son centre
Se trouve stoïquement
Une femme
De bois De petite taille

[ ou de grande taille
comme le signalera les autres

Femmes]

Exclu•es-x ou Non-initié•es-x
Aux préparatifs
De ce qui allait suivre
Ce qui semble être les Autres
Regardent S’arrêtent Scrutent S’interrogent
« Du body-painting ?! » s’exclamera une jeune femme à son amie

Non !
Ou alors Oui !

Mais non de ce que l’Occident l’entend
B.o.d.y.-P.a.i.n.t.i.n.g

Le rapprochement plutôt familier mais non-juste ici de ce que
J’aurai appelé le Mas dans un contexte carnavalesque guadeloupéen

Ce rite d’incarnation
Devenir pour être
Entité
Être pour perdre
Toute humanité

Quant aux invité•es-x
Cel•x aux aguets, averti•es-x
Rentrent Passent Franchissent S’attablent
À l’intérieur

C’est un peu le même problème partout ! Le vaste territoire de la Seine-[Saint-
Denis, précisément] d’avoir en son sein pléthore d’institutions ou d’espaces

culturels sans que les habitant•es-x ne se sentent happé•es-x de la même
euphorie que « cel•x-qui-s’incrustent ». Sans vouloir rejouer une nouvelle fois la
carte du fameux « Nous et les Autres » si cher à l’anthropologie, mais ne pouvant
qu’être réaliste d’une réalité se rejouant en écho du passé.

Jelili Atiku
Maintenant
Entité-performative
S’enveloppe

D’une cape plastique transparente

Et

Se recouvre au scotch
Le visage des femmes
[celles supposées plus tôt]
Au nombre de quatre [coins du monde]

Placées au
Nord Sud Est Ouest
De sa tête

À plusieurs reprises surgit la figure féminine, que ce soit dans ce texte ou dans
la performance. Ìyáláàyá, du yoruba signifie la grand-mère, la matriarche, la
mère Suprême. Celle aux petits soins à chaque jour de la vie. Celle prodiguant
guérison, soins. Celle me surplombant dans l’escalier. Celle de qui part ce tracé
de craie, exécuté par la main – plus tard le pied de Jelili Atiku. Celle portée de
point en point, de pause en pause performative. Celle de qui une aura
concentrique se dessine sur le sol. Ici autour d’une étoile. Là-bas réparant les
maux de ce monde. Rwanda. Discrimination. Dont Cross Border. Mots-œuvres
de Barthélémy Toguo collés au sol. Celle dans les bras de Jelili Atiku. Celle
guidant son monde [éphémère, de l’instant performatif]. Celle délivrant la
Sophie de Mary Sibande remarquée furtivement au loin d’une rue. Celle
culminant Jelili Atiku quand il s’écroula de fatigue ? de soif ? d’asphyxie ? de
raisons multiples qui seront ou non déchiffrables ? Celle qui conclut au centre
de la chapelle ce moment par un Bonjour – Au revoir – Je serais toujours là pour
vous, pour toi…


Merci à nos [grands-]mères, sœurs, tantes, filles d’être la BONTÉ incarnée de
ce monde.

David Démétrius

EVENEMENTS : Miss Read x African Art Book Fair

du 24 Août au 26 Août 2021 :

En ligne et au HKW de Berlin (Haus der Kulturen der Welt) suivez le lancement événement de la publication Decolonizing Art Book Fairs – Publishing Practices from the Souths, collaboration Miss Read, African Art Book Fair.

Rendez-vous à 18:00 au HKW Mardi 24 Août, et en ligne chaque jour à 16:00 et 18:00, le 25 et 26 août pour une série de tables rondes autour de la publication et de questions autour des pratiques de l’édition et des art book fairs (foires du livre d’art). Retrouvez le programme complet ici

Lancement de Decolonizing Art Book Fairs,
 HKW Berlin, le 24 août 2021

courtoisie de Miss Read 2021

Soirée de lancement, mardi 24 Août, 18:00 : Sur le toit-terrasse de HKW, les éditeurs de Decolonizing Art Book Fairs feront un état des lieux du champ de l’art et de l’édition. 
Avec Pascale Obolo, Parfait Tabapsi, Yaiza Camps, Moritz Grünke et Michalis Pichler.
En coopération avec Miss Read (Art book fair de Berlin) et Conceptual Poetics Day, financé par Hauptstadtkulturfond.

L’industrie mondiale de l’édition est encore dominée par des gardiens des pays du Nord. Dans quelle mesure le regard colonial façonne-t-il le marché du livre d’art ? Comment est-il possible de décoloniser l’industrie du livre d’art ? La soirée s’articule autour de deux publications récentes : 

Decolonizing Art Book Fairs – Publishing Practices from the Souths est un cahier contenant principalement des textes récemment commandés et des interviews avec des artistes, des auteurs et des éditeurs. Le volume tente d’enrichir le discours sur l’édition et les foires du livre d’art, en mettant en avant les praticiens et les initiatives du continent africain et de la diaspora. 

Avec les contributions de : Fouad Asfour, Jean-Claude Awono (Ifrikiya), Chayet Chienin, Chimurenga, Djimeli Raoul, Renata Felinto, Wanjeri Gakuru (Jalada), Aryan Kaganof (Herri), Sharlene Khan, Grada Kilomba, etc. (liste complète ici)

Idea Poll rassemble des idées concernant les activités d’édition et bien plus. Les textes compilés dans ce volume ont été collectés par un appel en ligne dans le cadre du Conceptual Poetics Day. Il présente près de 100 réponses de divers réseaux internationaux. 

Avec les contributions de : 2nd Cannons (Brian Kennon), Fouad Asfour, B&D Press, Michael Baers, backbonebooks (Claudia de la Torre), Bananafish Books (Qing Zhou), Ricardo Basbaum, BAZAR Art Book Fair, Derek Beaulieu, BLEK, BOM DIA BOA TARDE BOA NOITE, Sezgin Boynik, Urvashi Butalia…  etc. (liste complète ici)

Soirée de lancement
Mardi 24 Août, 18:00
Haus der Kulturen der Welt
John-Foster-Dulles-Allee 10
10557 Berlin


Tables rondes en ligne 

© Natalie Czech, Miss Read 2020/2021

The Politics of Art Book FairsMercredi 25 Août 16:00 (GMT+2)    

Peut-on décoloniser l’espace de l’édition indépendante ? 
Cette table ronde rassemble quelques un(e)s des acteurs et actrices les plus intéressant(e)s en la matière afin d’avoir un dialogue vibrant. Comment sont créés les espaces et les récits et qui prend un risque ? Les principaux thèmes discutés sont : qui est sélectionné en tant qu’exposant et qui ne l’est pas, l’économie des cadeaux et les politiques implicites et explicites des Art Book Fairs (foires du livre d’art).

Avec : Sanyana Iyer (Printed Matter Book Fairs), Qing Zhou (Shanghai Art Book Fair), Hedieh Ahmadi (Bazar Art Book Fair), Dan Mitchell (ASP London), Tokyo Art Book Fair (tbc), Noora Al Mualla (Sharjah Art Book Fair). 
Modérée par : Pascale Obolo (African Art Book Fair) et Michalis Pichler (MISS READ).

Rejoignez la discussion : Inscription ici


Publishing as a Curatorial Practice Mercredi 25 Août 18:00 (GMT+2)

Organisée par Arikadaa et iwalewabooks en collaboration avec Miss Read.

Cette table ronde pose un regard sur l’aspect curatorial de l’édition – sur les façons de réunir des gens et des textes, comment prendre des décisions esthétiques sur, non seulement le contenu, mais aussi le style de la publication et sa sensualité.

Avec : Lola Shoneyin (Director Aké Festival), Zukiswa Wanner / Paivapo Publishers, Aryan Kaganoff (herri magazine), Tinashe Mushakavanhu (Black Chalk). 
Modérée par : Lweendo Hamukoma (The Commune).

Rejoignez la discussion : inscription ici


Herri | tiré de « Decolonizing Art Book Fairs » 

Book Distribution and Circulation of Thinking in Africa :
Jeudi 26 Août 2021 16h00 (GMT+2) 

Cette table ronde est l’occasion d’examiner le domaine de la distribution de livre en Afrique. Quels sont les stratégies, les défis et les espoirs ? sont quelques-unes des questions posées pendant cette heure de discussion. 

Avec : Jean-Claude Awono (director of Ifrikiya publishing house), Aboubacar Demba Cissokho (cultural critic), Wanjeri Gakeru (jalada) (tbc). 
Modérée par : Parfait Tabapsi (Mosaïques).

Rejoignez la discussion : inscription ici


Reading/Writing as Decolonial Practice/Action
Jeudi 26 Août 2021 18h00 (GMT+2) 

En partant des contributeurs et contributrices du cahier Decolonising Art Book Fairs : Publishing Practices from the South(s), la table ronde sensibilisera et partagera des connaissances sur les différentes pratiques d’éditions dans le sud de l’Afrique et au-delà. 
Répondant aux questions du public, des auteurs, autrices et leurs lecteurs et lectrices, la discussion porte sur les discours et urgences de la justice épistémique et comment rendre le savoir et la recherche accessibles ; et comment la formation de communautés de lecteurs, lectrices et auteurs, autrices peut être une approche de la lecture/écriture en tant que pratique/action décoloniale.

Avec : Mario Pissara, Daniela Hermosilla, Fouad Asfour, Sharlene Khan. Modérée par : Nkule Mabaso et Moritz Grünke.

Rejoignez la discussion : inscription ici

EVENEMENT : African Art Book Fair x Miss Read

Lancement de Decolonizing Art Book Fairs,
 HKW Berlin, le 24 août 2021

Herri | tiré de « Decolonizing Art Book Fairs »

L’industrie mondiale de l’édition est encore dominée par des gardiens des pays du Nord. Dans quelle mesure le regard colonial façonne-t-il le marché du livre d’art ? Comment est-il possible de décoloniser l’industrie du livre d’art ? La soirée s’articule autour de deux publications récentes : 

Decolonizing Art Book Fairs – Publishing Practices from the Souths est un cahier contenant principalement des textes récemment commandés et des interviews avec des artistes, des auteurs et des éditeurs. Le volume tente d’enrichir le discours sur l’édition et les foires du livre d’art, en mettant en avant les praticiens et les initiatives du continent africain et de la diaspora. 

Avec les contributions de : Fouad Asfour, Jean-Claude Awono (Ifrikiya), Chayet Chienin, Chimurenga, Djimeli Raoul, Renata Felinto, Wanjeri Gakuru (Jalada), Aryan Kaganof (Herri), Sharlene Khan, Grada Kilomba, etc. (liste complète ici)

Idea Poll rassemble des idées concernant les activités d’édition et bien plus. Les textes compilés dans ce volume ont été collectés par un appel en ligne dans le cadre du Conceptual Poetics Day. Il présente près de 100 réponses de divers réseaux internationaux. 

Avec les contributions de : 2nd Cannons (Brian Kennon), Fouad Asfour, B&D Press, Michael Baers, backbonebooks (Claudia de la Torre), Bananafish Books (Qing Zhou), Ricardo Basbaum, BAZAR Art Book Fair, Derek Beaulieu, BLEK, BOM DIA BOA TARDE BOA NOITE, Sezgin Boynik, Urvashi Butalia…  etc. (liste complète ici)

Sur le toit-terrasse de HKW, les éditeurs de Decolonizing Art Book Fairs feront un état des lieux du champ de l’art et de l’édition. 
Avec Pascale Obolo, Parfait Tabapsi, Yaiza Camps, Moritz Grünke et Michalis Pichler.
En coopération avec Miss Read et Conceptual Poetics Day, financé par Hauptstadtkulturfond.

Soirée de lancement
Mardi 24 Août, 18:00
Haus der Kulturen der Welt
John-Foster-Dulles-Allee 10
10557 Berlin

Flamboyance, Puissance et Ambiance : 30 Nuances de Noir(es) à la MC93 Bobigny

Vous les avez peut-être aperçues à La Villette, à Arras ou alors à Aubervilliers.

Une fanfare de femmes noires paradant fièrement, dansant, chantant, s’exprimant, au sons des instruments, qui propose un spectacle aussi inouï qu’unique. 30 nuances de noir(es), cette formation “ inspirée des fanfares New Orleans, qui regroupe 11 musicien-ne-s et 11 danseuses de waacking, locking et jazz” à voir absolument ! En tout cas, ce sont des rencontres que l’on n’oublie jamais, qui nous marquent et nous enrichissent ! 

30 nuances de noir(es) est une expérience à vivre. Et ça tombe bien la parade sera ce Samedi 3 Juillet devant l’Hôtel de ville de Bobigny en face de la MC93, une fête à ne manquer sous aucun prétexte


Rayonnantes, flamboyantes, à couper le souffle, une réussite à tous les niveaux… Voilà les remarques dithyrambiques qu’inspire 30 nuances de noir(es)

L’idée germe il y a près de 20 ans dans la tête de Sandra sainte Rose Fanchine alors qu’elle officie à Aubervilliers. 

C’est en 2017 que naît le projet 30 nuances de noir(es) alors que Sandra propose un atelier de danse Waacking et de souls steps, dans le cadre de rencontres et d’échanges, autour de l’empowerment, de 46 femmes racisées. L’envie de poursuivre cette expérience se concrétise sous la forme de 30 nuances de noir(es), une parade inspirée des fanfares New Orleans, qui regroupe 11 musicien-ne-s et 11 danseuses de waacking, locking et jazz.

Et cela donne une performance puissante, en mouvement, hybride, qui s’adapte aux lieux et se les approprie. Des interprétations vibrantes, une vitalité et des énergies positives, 30 nuances de noir(es) puisant dans le répertoire de la soul music, de la funk en passant par la pop, et délivrant des versions réactualisées de titres emblématiques du féminin afro : “Respect”, “Lady”, “4 women”, “Hot pants road” etc. 

Musiques de luttes, musiques qui racontent les femmes, leurs expériences, brisent des tabous, s’émancipent des assignations.

La chorégraphie, les voix, cuivres et percussions nous transportent, nous émeuvent, nous interpellent alors que les costumes créés par Merci Michel (Annie Melza Tiburce) et Sandra Sainte Rose Fanchine nous en mettent plein la vue. 

Le discours et l’esthétique marchent  de concert, se portent l’un l’autre. La présence de ces femmes noires – et quelques hommes ne les oublions pas – , impressionnante, achève le tableau idyllique. C’est grandiose et de toute beauté. 

L’envie du public de prendre part est palpable, un tiraillement se fait sentir entre désir de participer et une incapacité à le faire tant l’expertise, les talents, l’exécution parfaite sont présents et de haut vol.

 “30 nuances de noir(es) raconte dans un mélange d’esthétiques musicales et chorégraphiques afroaméricaines, africaines, les revendications des femmes noires françaises quant à l’authenticité et la pluralité de leurs identités”

L’idée est de lier la danse, la musique et l’esthétique aux histoires des luttes et revendications de femmes noires, hors “normes”. Ce dispositif permet de saisir les enjeux politiques des musiques et danses jazz et soul/funk, pérenniser et réinventer l‘héritage africain notamment au sein des diasporas, et mettre en exergue “la réappropriation de la fierté noire”, et “l’affirmation des identités de race et de genre”…

crédit photographique : SEKA avec l’aimable courtoisie de Sandra sainte Rose Fanchine et 100DRA SEINTROZ

Sandra sainte Rose Fanchine précise :  “30 nuances de noir(es) raconte dans un mélange d’esthétiques musicales et chorégraphiques afroaméricaines, africaines, les revendications des femmes noires françaises quant à l’authenticité et la pluralité de leurs identités”. En effet, 30 nuances de noir(es) s’empare du Waacking qu’elle lie à la tradition du Marching Band avec ses propres sonorités.  

A l’instar du locking et du popping, le waacking est une danse issue de la Funk, un funkstyle. Le waacking est une danse des années 1970 née à hollywood et  pratiquée par la communauté Gay afro et latino américaine. Ainsi, cette gestuelle “cristallise les transgressions de normes de genre, en étant une danse de réappropriation de son corps et de sa beauté intrinsèque dans un cadre hétéronormatif, où les normes de féminité sont définies par le capitalisme, le patriarcat et la blanchité” explique Sandra.

Ne vous y méprenez pas, ces thèmes comme la performance touchent tout le monde. 

30 nuances de noir(es) propose de sortir des représentations figées, subies imposées ou choisies, des stéréotypes. 30 nuances de noir(es) évoque la mise à la marge quand il ne s’agit pas d’absence de représentation ou d’effacement, montre l’importance des représentations pour se construire. Une manière jouissive de remédier à ces problèmes, de revendiquer sa place au sein de nos sociétés, dans l’espace public, et de reprendre possession de son corps, de sa voix, de son esprit. 

C’est une manière rafraîchissante pour ces corps féminins discriminés racialement de se réapproprier l’espace public, et par la beauté du geste, des protagonistes, par la force de la proposition de partager une expérience libératoire, libératrice dont nous avons toutes et tous tant besoin.

30 nuances de noir(es) ce sont aussi des actions culturelles auprès de femmes, dans les collèges et lycées, associations, dans les conservatoires et fabriques, en danse et musique. 

Sandra sainte Rose Fanchine, la créatice, interprète et chorégraphe de 30 nuances de noir(es) évolue dans le milieu hip-hop notamment en tant que directrice artistique du magazine Radikal ou membre du groupe de streetdance Vagabond Crew dans les années 1990. Elle développe par ailleurs un travail chorégraphique qu’elle lie aux problématiques de genre et d’identité dans le hip-hop comme dans la société. Artiste polyvalente, formée aux danses afro-caribéennes, Sandra sainte Rose Fanchine est interprète dans de nombreuses compagnies telles Difé Kako, Cie Traces/Raphaëlle Delaunay, ou encore La Horde

Elle crée la compagnie 100DRA SEINTROZ qui propose 30 nuances de noir(es) sur lesquelles il faudra compter à l’avenir et qui promettent de secouer, renverser, bouleverser pas mal d’idées et de façon de faire. 

Venez nombreux et nombreuses voir cette œuvre, ce monument, ode aux femmes noires et à la liberté. 

Flavien Louh 

Découvrez 30 Nuances de Noir(es)

à la MC93 à Bobigny ce Samedi 3 Juillet à 16h00 

Gratuit

Crédit photographies de l’article : SEKA avec l’aimable courtoisie de Sandra sainte Rose Fanchine et 100DRA SEINTROZ

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Prochaines dates :
 Le 26 Septembre, Festival Mosaïque, à la Faïencerie de Creil
 Le 3 Octobre, Festival Zébrures d’Automne, Francophonies, Limoges
Sandra sainte Rose Fanchine 
crédit photographique : SEKA avec l’aimable courtoisie de Sandra sainte Rose Fanchine et 100DRA SEINTROZ

Appel à contributions AFRIKADAA : « Racisme, silence, mobilisation… Où en sont les écoles d’art ? »

Appel à contributions AFRIKADAA : « Racisme, silence, mobilisation… Où en sont les écoles d’art ? »

Date limite : Avant le1er Août 2021 – pour un numéro à l’automne 2021


Le racisme structurel est une réalité, présent depuis toujours mais de plus en plus
mesuré et analysé. Aujourd’hui, il apparaît comme un obstacle à l’équité, à l’égalité
et à la justice que chaque personne est en droit d’exiger.
Pour les personnes qui le subissent, ce racisme institutionnalisé souvent difficile à
déceler à l’échelle individuelle, est source de souffrance (mentale et physique) et
agit comme un frein à l’épanouissement personnel, mais aussi professionnel, ce
qu’on appelle un plafond de verre. En plus d’être à la source d’un mal-être
psychique profond, il peut représenter, pour certaines couches sociales, un
véritable danger mortel (violence policière, travailleur·euses exposé·es à des
conditions de travail usantes ou risquées…).
Le racisme structurel est présent dans toutes les couches de la société, et le
monde de la culture ne fait évidemment pas exception. Alors, en ce qui concerne
l’enseignement artistique et ses écoles supérieures d’art et design, ce sujet
apparaît aujourd’hui crucial : c’est dans ces institutions que se dessine le panorama
culturel artistique français de demain, et c’est là que potentiellement se créent les
alliances qui seront fécondes pour la suite.


La revue Afrikadaa se propose donc de réaliser un numéro dédié aux écoles d’art
et de le faire selon trois axes.
La revue sera un espace d’écoute qui recueille des
paroles, des expériences, des doutes, des vécus. Elle sera ensuite un lieu d’accueil
qui fera de la place, donnera à voir et amplifiera des cris, des luttes invisibilisées ou
minimisées. Enfin, elle exposera des pratiques artistiques, des œuvres, des
réalisations qui, geste par geste, forme après forme, contribuent à changer la
donne.

Dans le cadre de ce hors-série, nous souhaitons donc questionner les
discriminations dans les écoles d’art
en accompagnant les voix des étudiant·es
racisé·es, des professeur.es, des militant·es et des chercheur·euses. Nous
souhaitons que cet opus sensibilise les étudiant·es, le corps enseignant et le corps
administratif, tant il est important de ne plus être dans le déni mais d’être dans
l’écoute, tant il faut prendre conscience de la souffrance de l’autre et surtout mettre
en place des actions pour faire évoluer les mentalités et lutter contre ces
discriminations.
C’est le premier axe qu’Afrikadaa propose : écouter, encourager et soutenir la
parole
de celles et ceux qui subissent les discriminations, et donc accompagner les
personnes qui ont le courage de partager ou de dénoncer des faits, rendre légitime
des récits qui ne trouvent pas de lieux pour être formulés.

Le deuxième axe vise à faire d’Afrikadaa le haut-parleur des actions et
mobilisations déjà en cours
. En effet, on observe chez les étudiant·es une forte
prise de conscience, une envie de se questionner, de débattre, afin de faire bouger
les choses. Il s’agit de ne plus subir, mais au contraire d’être force de propositions
pour lutter contre les discriminations structurelles et systémiques et éradiquer ce
fléau qui gangrène nos sociétés. L’antiracisme devient une nouvelle valeur à
défendre mais aussi un horizon d’action à revendiquer. Et pour cela des collectifs
se créent, des groupes de chercheur·ses se constituent, des séminaires ou des
expositions font des propositions… C’est toutes ces initiatives qu’Afrikadaa
rassemble et met en perspective.


Enfin, troisième axe, Afrikadaa mettra à l’honneur des œuvres, performances, films,
installations, sculptures, poèmes, peintures, actions
, etc. qui, d’une façon ou d’une
autre, engagent ces problématiques. Page après page, en feuilletant la revue,
apparaîtra un paysage de l’art plus divers, inédit, traversant des paysages peu
regardés et montrant la vitalité d’une jeune création en train de se faire.


Finalement, ce hors-série d’Afrikadaa pose la question de quelle école d’art nous
voulons pour aujourd’hui et demain ?
Quelle serait une école d’art où serait
enseignée une histoire de l’art plus inclusive, où les étudiant·es, tous·tes les
étudiant·es, seraient réellement au centre du projet pédagogique ? Une école d’art
qui serait un espace d’émancipation et de refuge pour les étudiant.e.s ? Quels
types d’artistes et quels types d’art voulons-nous pour le futur ?


Pour ce faire, nous lançons aujourd’hui un appel à contributions dans toutes les
écoles d’art de France. Vos témoignages sont précieux !


Ainsi, en véritable catalyseurs de changement, nous vous invitons à nous envoyer
vos essais, articles, photos, œuvres, poèmes, et toutes autres contributions autour
de cette thématique.


Les articles libres feront au minimum 600 mots et au maximum 2000 mots (soit
entre 2600 et 10 000 signes) et seront fournis en « .doc ».
Les images et documents photos doivent être fournis au format JPEG et d’une
résolution de 300dpi minimum. Chaque photo doit être nommée avec un titre
explicite et accompagnée d’un texte indiquant le titre de l’œuvre, une description
technique, l’année de réalisation et le nom du photographe.


Date limite pour la réception des articles et autres éléments : 1 aout 2021

Contributions à envoyer à : contact@africanartbookfair.com & zugas.pascale@gmail.com

LA FONDATION H :  EXIL PARISIEN
EN CONVERSATION AVEC MARGAUX HUILLE…

LA FONDATION H :  EXIL PARISIEN EN CONVERSATION AVEC MARGAUX HUILLE…

La Fondation H, créée en 2017, par l’homme d’affaires malgache Hassanein Hiridjee, ouvre en 2019 un espace d’expositions à Antananarivo, Madagascar.

En Septembre 2020, la fondation inaugure un nouvel espace en France, à Paris, 24 rue Geoffroy l’Asnier, à deux pas de la Cité Internationale des Arts.

Afrikadaa avait rencontré Margaux Huille, la directrice de la fondation, avant le confinement. C’était l’occasion de découvrir la Fondation H, sa manière de concevoir les expositions, ses projets et objectifs.

L’artiste Maya-Inès Touam est en résidence à la Fondation H – Paris depuis le 1er Mars. Du 19 mai au 6 juin 2021, elle présente dans l’exposition Fil d’Exil des œuvres créées in situ. Nous avions évoqué le processus de collaboration, de l’élaboration de l’exposition.

Extrait de l’entretien avec Margaux Huille, directrice de la Fondation H. À paraître dans le prochain numéro d’Afrikadaa, Les Révoltes Silencieuses.

Propos recueillis par Flavien Louh, le 9 Mars 2021. | Temps de lecture 9 min.

Avant de rejoindre la Fondation H, Margaux Huille voyage pendant un an et demi sur le continent africain à la rencontre d’artistes du Sénégal à l’Afrique du Sud. Elle travaille quelques années aux côtés du collectionneur Matthias Leridon et dès 2014 au développement de la foire d’art contemporain 1-54 auprès de Touria El Glaoui.

Flavien Louh : D’où parles-tu ? Quel est ton rôle au sein de la Fondation H ?

Margaux Huille : À la Fondation H, depuis le mois de novembre, je suis en charge de penser et mettre en œuvre le projet global de la fondation c’est-à-dire notamment de nos activités à Madagascar, à Antananarivo, qui est le cœur de la Fondation.

Et puis, je suis responsable de nos activités ici, dans l’espace dans lequel on se trouve, le pôle parisien de la fondation, qui est très récent.

Il a ouvert en septembre 2020. J’essaye de faire en sorte que ces deux lieux se répondent et que les activités vis-à-vis des artistes, du public, soient cohérentes, ambitieuses.

La Fondation H – Paris 24 rue Geoffroy l’Asnier, 4e arrondissement © Fondation H

Chaque expo est différente ici ! On essaye de se donner la liberté de se réinventer à chaque fois, de tester des formats, de voir ce qui marche, ce qui ne marche pas. De penser un lieu un peu plus ouvert à l’expérimentation. De laisser de vraies cartes blanches à des artistes…

F. L. : Justement comment arrivez-vous à faire ce lien entre ces deux lieux, ces deux capitales ?

M. H. : Déjà c’est très nouveau pour nous ! On expérimente.

La Fondation H a été créée en 2017. Elle est reconnue d’utilité publique depuis 2018 à Madagascar, où on a ouvert un espace début 2019.

Notre espace d’exposition à Madagascar est donc plus ancien. C’est vraiment le cœur de notre identité. Le président de la Fondation H est un homme d’affaires malgache, il vit à Madagascar, sa vie entière est construite là-bas.

Il y a, en étant à Madagascar, un côté insulaire qui rend tout un petit peu plus compliqué, donc le fait de venir ici nous permettait aussi de créer un nouveau souffle pour les projets. D’avoir des points d’ancrage à deux endroits du monde qui puissent se répondre. Ça paraissait juste !

Et l’idée de développer ce deuxième lieu à Paris, qui a ouvert en septembre 2020 donc il y a 6 mois, était de réussir à nous ouvrir à une perspective plus internationale.

Chaque expo est différente ici ! On essaye de se donner la liberté de se réinventer à chaque fois, de tester des formats, de voir ce qui marche, ce qui ne marche pas. De penser un lieu un peu plus ouvert à l’expérimentation. De laisser de vraies cartes blanches à des artistes…

On fait travailler chaque artiste invité à la Fondation H avec un commissaire, un critique, ou encore un écrivain, qui écrit un texte qui accompagnera l’artiste, il n’y a pas de règle, c’est très ouvert.

L’idée est de mettre en contact des artistes avec des auteurs, des gens de l’écrit au sens large…

Pascale Obolo d’Afrikadaa va écrire sur M’barka Amor, qui est l’artiste qui prend le relais après le projet de résidence et d’exposition de Maya-Inès Touam.

La Fondation H est partenaire de la Cité Internationale des Arts avec qui on travaille main dans la main, notamment à travers le Prix Paritana[1] depuis 2016, des projets de résidences, des workshops.

Maya-Inès Touam nous a fait la proposition d’occuper l’espace en résidence pendant un peu plus de deux mois. Cette résidence aboutira à 3 semaines d’exposition. Pour l’expo de Maya-Inès, la Fondation H a proposé à la Cité Internationale des arts de réfléchir à un / une commissaire et Fannie Escoulen, qui est une grande spécialiste de la photographie au niveau international, s’est proposée d’écrire sur le travail de Maya-Inès Touam. Tout cela crée des échanges très riches.

La Fondation H est malgache, donc on est conscients de la réalité dans laquelle on évolue, et donc de la scène locale malgache. Mais la vocation de la Fondation H est d’être ouverte sur le continent africain dans son ensemble et sur la diaspora, notamment avec notre espace ici, à Paris… L’idée est de pouvoir s’ouvrir à plein de réalités.

FL : D’ailleurs  quel est le lien de Maya-Inès Touam avec Madagascar ?

M. H. : Aucun ! On n’est vraiment pas dédiés à la scène artistique malgache.

La Fondation H est malgache, donc on est conscients de la réalité dans laquelle on évolue, et donc de la scène locale malgache. C’est important et on travaille beaucoup, notamment à Madagascar, avec des artistes malgaches. Mais la vocation de la Fondation H est d’être ouverte sur le continent africain dans son ensemble et sur la diaspora, notamment avec notre espace ici, à Paris… L’idée est de pouvoir s’ouvrir à plein de réalités.

De la même façon, on ne travaille pas exclusivement avec des auteurs d’origine africaine ou de la diaspora. Pour les auteurs et les critiques, on est très curieux de créer des passerelles avec d’autres personnalités, avec des gens qui viennent d’ailleurs, avec un regard tout autre qui peut apporter d’autres choses. On se donne pas mal de liberté dans notre façon de voir les expos qu’on monte et les projets.

Maya-Inès Touam est Franco-Algérienne, elle vit à Paris. Elle nous a fait une proposition qui s’appelle Fil d’Exil où elle travaille sur la migration et l’exil, forcé ou volontaire, de populations d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb vers la France. Elle a un regard sur cette France que l’on voit illustrée ici [une carte de la France créée par l’artiste est présentée, NDLR] qui est un mélange en fait, qui est tellement complexe dans son identité, dans sa culture, du fait de ces migrations.

Il n’y a pas de rapport direct avec Madagascar, même si elle en parle.

Maya-Inès Touam en pleine création lors de sa résidence à la Fondation H – Paris ©Maya-Inès Touam

L’artiste Maya-Inès Touam nous a proposé d’utiliser l’espace de la Fondation H à Paris comme un espace de résidence pendant deux mois.

FL : Les jeudis sont ouverts au public jusqu’à l’ouverture de l’exposition…

M. H. : En fait, c’est très particulier… C’est aussi une expérimentation… L’artiste Maya-Inès Touam nous a proposé d’utiliser l’espace de la Fondation H à Paris comme un espace de résidence pendant deux mois. On a quand même vocation à être tourné vers le public et créer un dialogue avec le public, ici parisien.

Et donc on s’est dit avec elle que ce qui pourrait être intéressant c’est d’ouvrir, une fois par semaine son studio au public, à qui le souhaite. C’est très ouvert, c’est vraiment un jour d’ouverture classique, gratuit, de 11h à 17h, qui permet aux gens qui seraient intéressés aussi de voir la progression du travail d’un artiste.

Par exemple, cette carte qui est devant nos yeux, Maya-Inès Touam est en train de travailler dessus mais la semaine prochaine elle aura une toute autre forme.

Maya est habituée à recevoir du public dans son atelier et ça nous a semblé être une réponse intéressante à ce projet !

Tous les jeudis, il y aura plusieurs choses différentes à voir donc il ne faut pas hésiter à venir toutes les semaines et puis ensuite avoir le plaisir de voir l’exposition finie.

On va aussi beaucoup documenter ce processus de création, poster sur notre site, sur les réseaux sociaux, ce qui permettra de voir l’évolution des différentes pièces qu’elle crée ici, et comment un artiste pense un projet comme celui-là ; comment il le met en œuvre.

FL : Vous avez travaillé avec Joël Andrianomearisoa ou Malala Andrialavidrazana ce qui permet aussi, j’imagine, de toucher beaucoup plus de monde :

M. H. : On n’a jamais travaillé avec Joël sur une exposition entre nos murs. En fait, on l’a simplement, à petite échelle, soutenu sur le mécénat du Pavillon Malgache à la Biennale de Venise en 2019 [c’est le premier pavillon de Madagascar à la Biennale, NDLR].

Mais effectivement Malala, elle, a travaillé avec nous directement ; elle a inauguré l’espace parisien avec une très belle exposition qui s’appelait Les échos du monde [Les échos du monde du 3 septembre au 30 octobre 2020, Fondation H – Paris].

Et oui, effectivement, Malala a une aura qui nous dépasse, et c’était très important, primordial de pouvoir travailler avec une artiste comme elle, qui tout à coup, nous amène toute son expérience, son réseau bien entendu aussi, sa façon de travailler, ses conseils… Malala est ainsi comme la marraine symbolique de la Fondation H – Paris.

On est le réceptacle qui permet peut-être à cette révolte de toucher un plus grand nombre de gens

FL : Qu’en est-il des autres artistes moins visibles, le thème du prochain numéro d’Afrikadaa est les révoltes silencieuses : est-ce que ça te parle tout ça, ce genre d’engagement ?

M. H. : Bien sûr, ça me parle !

Des artistes moins visibles… je pense que le plus un joli exemple, c’est la prochaine exposition qu’on va présenter à la Fondation H – Tana, qui ouvrira le 17 avril. C’est un artiste qui s’appelle Tahina Rakotoarivony [Tahina Rakotoarivony : Nofy an-tsary (Rêve imagé), du 17 avril 2021 Au 04 juin 2021, Fondation H Antananarivo].

Tahina, c’est un très bon exemple de cette notion je pense. C’est une personne qui depuis 20 ans évolue sur la scène culturelle et artistique malgache, qui est extrêmement engagée, qui a créé IS’ART – qui a été pendant ces 20 dernières années la plateforme commerciale la plus visible à Tana – et qui en parallèle a développé une pratique artistique qui lui est propre.

Tahina, c’est un homme qui a réussi contre vents et marées à tenir le cap de ce qu’il pensait être juste…

Il a créé un groupe, il a créé des échanges, il a créé des interactions, il a soutenu financièrement des artistes en vendant leur travail. Ce que lui a fait avec son entourage, avec la scène culturelle à Tana, c’est remarquable !

Mais est-ce silencieux ? Peut-être, je ne sais pas si « silencieux » c’est le bon mot, parce qu’il ne l’est pas, Tahina… C’est silencieux pour nous en fait, à notre regard, à nous.

Quand tu arrives à Tana et que tu commences à explorer la scène locale, c’est omniprésent son mouvement, toutes ces collaborations qu’il a créé.

Donc pour nous, d’inviter quelqu’un comme lui à présenter son travail et une nouvelle série sur le thème de la résilience à la Fondation H – Tana, c’est une façon de mettre en lumière son travail, son investissement sur la scène locale, et peut-être [d’accéder] à un public un peu plus large que celui auquel il est habitué à parler.

Donc ça, à mes yeux, c’est une belle révolte silencieuse… On est le réceptacle qui permet peut-être à cette révolte de toucher un plus grand nombre de gens.

Tahina Rakotoarivony réalise une oeuvre éphémère à la Fondation H –Antananarivo © Fondation H

On a aussi un axe de réflexion sur des thématiques de formations et des modules d’accompagnement…

Et puis on a aussi un axe de réflexion sur des thématiques de formations et des modules d’accompagnement qui sont plus professionnalisants et qui donnent des cartes concrètes aux artistes, pour pouvoir créer un dossier de présentation… Leur donner éventuellement des contacts ; organiser des lectures de portfolio avec des artistes qu’on invite à la Fondation H…

FL : De plus, vous avez fait des visites virtuelles auprès des écoles… Est-ce amené à se développer de façon pérenne ou est-ce que ça fait partie des expérimentations ?

M. H. : Ça fait carrément partie des expérimentations !

Ces visites-là ont été faites en 2018–2019 parce que la Fondation H était mécène d’une exposition au Musée du Quai Branly qui s’intitulait Madagascar Arts de la Grande Île.

Parce que c’était la première fois depuis plus de 50 ans que l’art malgache était présenté de cette façon là dans un musée international de la stature du Quai Branly, il nous avait semblé important de réussir à créer un lien avec le public local à Tana.

Donc oui l’idée c’est deréussir à pouvoir remettre en place de tels formats.

Aujourd’hui avec nos expositions à nous, on n’en a pas forcément la capacité. L’ampleur de nos expos ne s’y prête pas forcément, cependant on essaye de le faire.

On est mécènes d’une exposition qui fait partie de la Saison Africa2020 qui s’appelle Memoria, récits d’une autre Histoire qui est présentée au Frac Nouvelle-Aquitaine / MECA. Et qui n’a pas pu, hélas, encore ouvrir au public mais qui est accrochée. 

On travaille en collaboration étroite avec le FRAC pour justement créer et/ou récupérer du contenu de médiation, mettre en place différents petits modules pour rendre l’exposition qui est à Bordeaux accessible à un public scolaire malgache.

Vues d’exposition de Mémoria : récits d’une autre Histoire

[1] Créé en 2016, le Prix Paritana « soutient la scène artistique malgache (artistes de nationalité malgache ou résidant à Madagascar) en organisant un prix d’art contemporain, remis chaque année à trois artistes ». Le Prix est ouvert à tous les mediums et « encourage le dialogue entre les cultures et rend possible la construction et la diffusion de projets artistiques à Madagascar et à l’international ». De plus, « présidé par Eric Dereumaux, Fondateur de la Galerie RX, le Prix Paritana est soutenu par la Fondation H et Air France. Il est organisé en collaboration avec la Cité internationale des arts et l’Institut Français de Madagascar », indique le site internet. Paritana​ [EN LIGNE] :  https://www.paritana.com/index.php/prix

Dû à la situation sanitaire, les visites du jeudi n’ont pas pu se tenir néanmoins, Maya-Inès Touam a travaillé à partir entre autres, de textiles, d’objets, et de photographies. Son exposition Fil d’Exil est programmée du 19 mai au 6 juin 2021 à la Fondation H – Paris. L’occasion de découvrir son travail dans l’intimité de l’espace parisien.
Maya-Inès Touam
Fil d’Exil
Exposition du 19 mai au 6 juin 2021
Fondation H Paris,
24 rue Geoffroy l’Asnier
75004 Paris, France
https://www.fondation-h.com/
Tahina Rakotoarivony
Nofy an-tsary (Rêve imagé),
Exposition du 17 avril 2021 au 4 juin 2021
Fondation H Antananarivo
Immeuble Kube D, Zone Galaxy Andraharo
Antananarivo, Madagascar
Du lundi au vendredi de 9h à 17h
Entrée libre
https://www.fondation-h.com/
Memoria, récits d’une autre Histoire
exposition du 5 février au 20 Novembre 2021
FRAC Nouvelle-Aquitaine / MECA
5 Parvis Corto Maltese
22800 Bordeaux
https://fracnouvelleaquitaine-meca.fr/
https://www.saisonafrica2020.com/fr

Illustration de couverture : Maya-Inès Touam à la Fondation H – Paris ©Maya-Inès Touam

La Fondation H… en quelques dates :  

2016     Création du Prix Paritana, organisé par l’Association PariAfrica.  
La Fondation H est mécène du Prix  

2017     Création de La Fondation H à Madagascar,  par Hassanein Hiridjee, PDG d’Axian  

2018     La Fondation H est reconnue d’utilité publique à Madagascar    
Mécène de l’exposition Madagascar : Arts de la Grande Île au Musée du Quai Branly  
2019    Ouverture d’un espace d’exposition à Antananarivo, Madagascar  
Première exposition avec Madame Zo : L’art au quotidien    
Mécène de Joël Andrianomearisoa pour le Pavillon Malgache
à la Biennale de Venise 2019  

2020    Ouverture d’un second espace d’exposition à Paris, France  
Exposition de Malala Andrialavidrazana : Les échos du monde    

2021     Mécène de l’exposition Memoria, récit d’une autre Histoire  
FRAC Nouvelle Aquitaine, Bordeaux    
Mécène de l’exposition Katia Kameli, Elle a allumé le vif du passé  
FRAC PACA, Marseille  
Expositions (sélection) :  

Maya-Inès Touam : Fil d’Exil, du 19 mai au 6 Juin 2021, Fondation H Paris  

Tahina Rakotoarivony : Nofy an-tsary (Rêve imagé), du 17 Avril au 4 Juin 2021, Fondation H Antananarivo  

Christian Sanna : Chère Embona, du 15 février au 26 mars 2021, Fondation H Antananarivo  

Christian Sanna : Lettres à Embona,du 2 décembre 2020 au 23 janvier 2021, Fondation H Paris  

Antananarivo Ligne 11, du 19 novembre 2020 au 22 janvier 2021, Fondation H et du 10 mars au 25 avril 2021, Hôtel de Ville, Antananarivo  

Malala Andrialavidrazana : Les échos du monde,du 3 septembre au 30 octobre 2020, Fondation H Paris  

Matchbox D. : Vices & virtues, du 28 juin au 31 juillet 2019, Fondation H Antananarivo  

Madame Zo : L’art au quotidien,du 22 mai au 7 juin 2019, Fondation H Antananarivo  

Joël Andrianomearisoa : J’ai oublié la nuit, du 11 mai au 24 novembre 2019, Pavillon Malgache à la 58e Biennale internationale d’art contemporain de Venise May You Live In Interesting Times  

Madagascar. Arts de la Grande Île, du 18 septembre 2018 au 1 janvier 2019, Musée du Quai Branly Jacques Chirac, Paris  

Les Fables du Calao », une installation sonore et visuelle dans le quartier de la Goutte d’Or

« Quand la vie devient poids et le moi, sujet aux abois On pense qu’il faut se frayer un chemin, se donner les moyens de réussir, demain, Je sais, pour toi il faut partir mais si partir c’est mourir un peu Partir vers l’inconnu c’est peut-être périr, c’est supporter cet affront qui n’a de réalité que celle du front Pense, pense à ceux qui sont partis hier, qui sont en vie, à ceux qui sont partis qui ont péri… » Les mots de la poétesse Ernis Ernis s’imposent à nos oreilles tandis que, des yeux, on cherche un oiseau, un calao aux couleurs vives, fièrement élevé. Celui-là, il est bleu. Je ne connaissais pas le quartier mais maintenant, je l’éprouve plus que si j’avais fait ma promenade en silence. Depuis avril 2021, il est possible d’apercevoir des calaos colorés en résine perchés dans les rues du quartier de la Goutte d’Or, dans le XVIIIe arrondissement. Ils sont l’initiative du Cercle Kapsiki, un collectif d’artiste créé en 1998 à Douala, au Cameroun, du collectif Mu, de l’institut des cultures d’Islam (ICI) et ce, en partenariat avec la Cité internationale des arts. L’institut des cultures d’islam se situe au cœur du quartier de la Goutte d’or. Il s’agit d’un lieu ouvert à tous dont le but est de faire connaître la diversité des cultures d’Islam contemporaines dans le monde. l’ICI veut valoriser l’héritage de ces civilisations trop peu connu. C’est un lieu d’échange, de dialogue, qui touche un large public. L’ICI accueille actuellement l’exposition « Zone Franche » dans le cadre de la saison Africa 2020. Cette installation a été réalisée dans le cadre d’un appel à projet lancé en 2019 : « embellir Paris », visant à agrémenter les espaces urbains. Les artistes Hervé Yamguen et Hervé Youmbi, membres du cercle Kapsiki,

ont donc effectué une résidence de trois mois à la villa Belleville afin de donner vie à ce projet singulier. Il ne s’agit pas seulement de servir la ville dans un but purement esthétique, cette installation questionne la place de l’art dans l’espace urbain. Chaque oiseau, géniteur d’une nouvelle expérience multi sensorielle. On marche dans la rue. Chaque silence, une respiration, avant de se retrouver bercé par le chant des oiseaux. Nos pas s’arrêtent devant un calao de couleur, se détachant du paysage urbain. Mais tout continue à vivre autour de nous, la ville s’anime tandis que nous écoutons les mots qui nous sont confiés. Le projet artistique est nommé « Les Fables de Calao », cette idée d’histoire qui nous est contée, on la retrouve effectivement alors qu’on navigue dans la ville. S’agit-il même peut être d’une transmission. Afin d’accéder aux enregistrements, il faut se munir de son téléphone portable ainsi que d’un casque ou d’une paire d’écouteur. Une histoire nous est alors contée, au fur et à mesure qu’on avance dans la ville. Chacun se retrouve seul avec le son dans ses oreilles. On marche donc dans la ville en cherchant l’oiseau totem, le point de repère, comme si l’animal allait prendre vie et nous conter une histoire. Un Calao est un oiseau, un thème important dans cette installation. En effet, on peut par exemple entendre les chants des espèces présentes à Paris, mais aussi des calaos à becs rouges. Ici, le Calao se dresse comme un symbole fort de l’art africain, il nous apparaît comme un guide, un totem s’élevant dans les airs pour nous guider. Une puissance spirituelle. Il se détache d’un environnement auquel il n’appartient pas naturellement et s’impose gracieusement. Il s’agit également de célébrer une diversité, celle des cultures présentes dans le quartier où s’étend l’expérience. C’est pour cette raison que les différents enregistrements qu’il nous est donné à entendre ont été récoltés dans ce quartier multiculturel de Château Rouge Barbès mais aussi dans la ville originaire du collectif « Le cercle Kapsiki » : Douala, au Cameroun.

La ville est un espace bien singulier pour une installation, déjà sursaturée de signes. Dans un espace urbain, on marche vite. On suit les signes, comme des automates. Un panneau stop, un passage piéton. Le feu est rouge. Il devient vert. Un calao, ça signifie quoi ? Je vois l’oiseau, et je m’évade ? Quel est ce nouveau signe à assimiler ? En réalité, cette installation nous invite et nous incite à marcher, à nous promener ou plutôt à flâner. Nous intégrons la figure du flâneur de moins en moins répandue dans des villes moins adaptées à ce genre d’activités anormalement lentes pour un espace urbain C’est une autre façon d’aborder l’art. Le sortir de l’espace autoritaire de la galerie. Espace qui peut en décourager plus d’un, c’est la galerie qui vient à eux. Et ce genre d’initiative prend tout son sens dans la situation sanitaire actuelle. Beaucoup de lieux culturels et de rencontres ont vu leurs portes se fermer. En 2021, flâner dans la rue et se laisser conter des histoires prend une tout autre dimension. Alors que certains espaces de monstration se retrouvent fermés au public, nous avons pris l’habitude de sortir moins, uniquement pour ce qui est nécessaire, mais certainement pas pour flâner. Ce type d’installations au sein même de la ville, peut être perçu comme une respiration, pour la culture. Le calao, un oiseau porte bonheur. Voir des oiseaux aussi colorés dans une ville meurtrie par une situation compliquée, est peut-être, en réalité, porteur d’espoir.

Assya AGBERE, née le 1er Novembre 2002 est étudiante à la Haute Ecole des Arts du Rhin à Mulhouse depuis 2019.